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Le
negro-spiritual apparaît dans ces années du 18ème siècle où se
développe, à une plus grande échelle et en raison des besoins
croissants en main-d’oeuvre, la traite des noirs et
l’importation des esclaves arrachés à leur terre natale,
transplantés en terre hostile d’Amérique. Le désir
d’évangélisation des esclaves y est pour beaucoup. Les premiers
pèlerins du “Mayflower”, les pasteurs anglicans, luthériens,
calvinistes et autres réformés avaient apporté avec eux leurs
cantiques et leurs psaumes, puis à la faveur du Grand Réveil (Great
Awakening) qui secoua la vieille Angleterre au 18ème siècle, les
hymnes dont le premier recueil fut publié en 1707 par le Dr
Isaac Watts (Hymns and spirituals songs). |
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Grâce à ce mouvement du
Grand Réveil religieux, dont le but premier était une
simplification de la liturgie, et une plus grande accessibilité
des textes et des chants sacrés, les noirs américains se
sentirent de plus en plus concernés par l’expression de leur
foi, et se mirent à fréquenter avec plus d’assiduité les
services religieux des églises blanches, lesquelles n’en
continuaient pas moins d’être ségréguées. |
Une très forte onction
du Saint-esprit marquait cette époque difficile à traverser
pendant laquelle ce peuple d’esclaves s’est identifié aux
hébreux captifs en Égypte. Ceci explique le fait que l’on
retrouve des thèmes et des personnages de l’ancien testament
dans les spirituals. La libération du peuple d’Israël était vécu
de manière concrète, la terre promise étant pour les noirs
opprimés, le Canada où l’esclavage n’était pas autorisé.
Le spiritual prit de
multiples aspects, depuis une certaine forme de “work song” tels
que pratiqués dans les églises noires, et au cours des “camps-meetings”,
manifestations de foi fervente en plein air, dans les champs ou
dans les clairières des forêts. Les premiers spirituals chantés
par des esclaves noirs sont attestés aux environs de 1825-1850
et le premier spiritual publié est Go down Moses (1861) |
Les negro-spirituals
présentent une parenté mélodique et rythmique avec les chants
d’Afrique occidentale. Ils recouraient aussi à la pratique du ring-shout, sorte de danse extatique d’origine américaine. Les
negro-spirituals utilisaient le style vocal africain, ainsi que
l’accompagnement polyrythmique consistant à claquer dans les
doigts, frapper dans les mains ou taper des pieds. Le “shout” (“shouting”)
est d’inspiration religieuse. Des éléments traditionnels le
relient aux cultes africains; il peut apparaître comme
ingrédient dans toutes les formes vocales afro-américaines et
s’est maintenu jusqu’à nos jours dans l’exercice de la
prédication. |
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La diffusion du
Negro-spirituals et sa reconnaissance universelle seront
grandement facilitées, au lendemain de la Guerre Civile (1861
1865) par la fondation des premiers établissements
universitaires noirs, tels que ceux de Hampton en Virginie, ou
de Fisk, à Nashville, dans le Tennessee. En effet, le besoin de
financement autonome se faisant sentir pour ces instituts, des
ensembles vocaux sont formés pour se produire en concert à
travers tous les États-Unis. Leurs programmes sont souvent des
panachés d'œuvres classiques occidentales et de
negro-spirituals. Les Fisk Jubilee Singers restent les plus
célèbres de ces ensembles vocaux, et ils seront les premiers à
exporter le Negro-spirituals en Europe, et à le faire connaître
au vieux continent, en plusieurs tournées organisées dans les
années 1870. Leur style d'interprétation est de forme
"classique" et leurs héritiers, au 20ème siècle, auront pour
noms Bumbry ou, plus près de nous, Kathleen Battle, Jessye
Norman et Barbara Hendricks. |
C'est aussi, au début
de notre siècle, que l'on voit l'apparition des premiers
"quartets" vocaux - c'est-à-dire chantant à quatre parties
distinctes, mais les ensembles peuvent comprendre plus de quatre
membres - dont l'existence est encore aujourd'hui bien réelle,
avec des groupes comme le Golden Gate Quartet, bien sûr, mais
les Paramount Singers et les Zion Harmonizers tous formés dans
les années 30 et 40. Les quartets vont être pendant près de
trois décennies le véhicule privilégié du gospel moderne. Les
premiers enregistrements d'un "quartet" de Negro-Spirituals
remontent à 1902 (Dinwiddie Colored Quartet). Les "quartets"
anciens chantent le Spiritual dans un style plus archaïque
désigné sous le nom de jubilee, et ce sont des groupe s
comme le Golden Gate Quartet - d'ailleurs appelé Golden Gate
Jubilee Quartet à ses débuts - qui, vers la fin des années 30,
apporteront un sang neuf à l'interprétation a cappella, tout
d'abord par des innovations rythmiques et harmoniques puis, plus
tard, par l'adjonction d'une section instrumentale, préparant la
voie aux "quartets" de hard Gospels des années 50. Au début du
XXe siècle, le terme de spiritual se trouva supplanté par celui
de gospel, expression commerciale du spiritual moderne. |
Le
mot de Gospel est enfin lâché. Le gospel song est un
chant religieux dérivé de l'Évangile (gospel veut dire
évangile), interprété dans la tradition négro-américaine dont la
première apparition date de 1870. Le gospel trouve son origine
dans les chants religieux des camps de vacances et dans les
mélodies de la musique populaire. Il prit de l'importance suite
au renouveau religieux urbain, mené par l'Évangéliste Dwight
Moody avec la musicienne Ira Sankey. Le gospel-song se distingue
du negro-spiritual par une référence exclusive au Nouveau
Testament et un aspect spectaculaire emprunté au monde des
variétés. Qu'en est-il exactement de cette branche de la musique
sacrée afro-américaine? On peut dire qu'elle se développe
vraiment dans les années 20 avec l'absorption des éléments du
Blues alors en plein essor. On attribue souvent à Thomas Andrew
Dorsey la paternité du Gospel, ce qui n'est pas faux, mais pas
non plus totalement exact. Comme toute forme d'art, le Gospel
est avant tout une création collective, et certains talentueux
compositeurs, comme Charles A. Tindley, décédé en 1933, en
avait, dès les premières années du siècle, jeté les bases. Nous
lui devons par exemple, le célèbre Stand by me, publié en 1905.
Mais il est vrai que Dorsey, qui venait du Blues - où il était
alors connu sous le nom de Georgia Tom - aura été le plus
important catalyseur du phénomène Gospel, plus, d'ailleurs, par
ses compositions et ses talents d'organisateur que par ses
enregistrements qui restent peu nombreux |
Le gospel n'est pas
resté confiné à l'Église. Les années 20 voient fleurir, grâce à
l'essor de l'industrie phonographique également qui en
facilitera la diffusion, plusieurs formes d'expression du
Gospel. Il y aura des guitaristes évangélistes, tels le Rev.
Edward W. Clayborn et Blind Willie Johnson, si proche du Blues ;
des "preachers" enregistrant, avec quelques membres de leurs
congrégations, sermons après sermons, tels que les Rev. Johnnie
Blakey, J.M. Gates et E.W. McGee ; des interprètes
instrumentistes féminines et même des "jub-bands" comme ceux du
Rev. D.C. Rice et de Elder Richard Bryant. Il arrive même que de
purs artistes de Blues, tels Barbecue Bob ou Bessie Smith
enregistrent des titres de Gospels, ce qui prouve bien son
importance dans ces années 20, parallèlement au Blues en pleine
éclosion. Par le disque, puis par le concert le gospel s'est
donc fait connaître à un public beaucoup plus vaste que celui
des congrégations noires où il est né.
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Dès les années 1960,
les grands choeurs se multiplient, avec comme principal
catalyseur James Claveland. A sa suite se révèlent de
remarquables chefs et arrangeurs : Mattie Moss, Clark, Walter et
Edwin Hawkins (ce dernier a composé le célèbre "Oh Happy Day"),
issus de la Church of God in Christ (fondée en 1895), réalisent
à la perfection l'équilibre entre modernité musicale et
sensibilité traditionnelle. John P.Kee, avec le New Life
Community Choir, travaille dans la même direction quand Andraé
Crouch cherche un public plus vaste en se rapprochant davantage
des musiques profanes. |
Aujourd'hui, les deux
formes d'expression de cet aspect de l'art afro-américain, le
Negro-spirituals et le Gospel, mènent une existence parallèle,
mais leurs chemins se croisent souvent. Le retour en vogue du
chant a cappella facilite également une redécouverte du
Negro-spirituals authentique, trop souvent absent des
productions actuelles d'un Gospel contemporain hyper sophistiqué
mais bien éloigné des racines. Certains groupes, comme les Zion
Harmonizers de New Orleans, affectionnent le mélange des genres
et n'hésitent pas à proposer des concerts ou des disques où se
mêlent Negro-spirituals et Gospels-songs plus modernes. Pour la
plupart des artistes religieux contemporains, la musique est un
ministère : il s'agit de porter la bonne nouvelle de l'évangile
au plus grand nombre dans des formes qui suscitent la ferveur,
elle même indissociable du plaisir. I1 est heureux que se
manifeste aujourd'hui un certain désir, de la part des artistes
comme du public, d'un retour à l'authenticité, et cela grâce à
des organisations de concerts, ou même de festivals, de
Negro-spirituals et de Gospel de plus en plus nombreux . |
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